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dimanche 13 janvier 2013

Une exploitation avant tout artisanale

Dans la région d'Ilakaka comme dans le reste de Madagascar, l'exploitation des pierres précieuses se fait de manière artisanale et informelle dans la majorité des cas. Les mineurs sont preque toujours des personnes n'ayant pas d'alternatives pour survivre qui préfèrent quitter les régions dans lesquelles ils vivent misérablement (souvent de l'agriculture) pour tenter leurs chances dans l'exploitation des pierres précieuses.
En arrivant dans la région d'Ilakaka, ils peuvent compter sur l'espace disponible, sur la règlementation foncière traditionnel et sur la force démograhique dominante qu'ils représentent face à la population locale pour s'installer à l'endroit de leur choix. Dès lors, armés de moyens très rudimentaires (pelles, tamis, barre à mine), ils peuvent tenter l'aventure souvent déçue du chercheur d'or (en l'occurence du chercheur de saphirs dans cette région).


  •  Exloitations à ciel ouvert (moins de 10m)

Selon la profondeur l'expoitation prend des formes différentes. Lorsque les gisements sont proches de la surface, l'extraction est réalisée à ciel ouvert. Cela permet d'éviter les risques d'effondrements auxquels sont exposés les mineurs en milieu souterrain. Cela nécessite en revanche un important travail de décapage des couches stériles situées au-dessus de la couche porteuse de saphirs. la quasi totalité des gisements situés à des profondeurs de moins de 7m sont exploités de cette manière. exceptionnellement les exploitations à ciel ouvert peuvent atteindre une vingtaine de mettre (voir billet sur la transformation des paysages), mais cela se fait au prix de plusieurs mois de décapage manuel.



 Un filon de très faible profondeur
(Canavesio, 2006)


 Carrière à ciel ouvert d'une dizaine de mètres de
profondeur (Rémy Canavesio)

  •  Exloitations en milieu souterrain (profondeurs supérieures à 10m)

 Lorsque les saphirs se trouvent à des profondeurs importantes, l'exploitation à ciel ouvert nécessite un travail de décapage trop important qui n'est plus vible économiquement (trois mois de travail environ pour une équipe de 10 personnes pour atteindre une profondeur de 10m). Les mineurs changent alors de méthode. Ils creuseent un puit vertical le plus étroit possible au rythme de plusieurs mètres par jour pour une équipe de 3. Ils atteinent ainsi rapidement des profondeurs inaccesibles par la méthode du décapage. Une fois arrivés dans la couche gemmifère recherchée les mineurs creusent à l'horizontale pour extraire un maximum de gisement tout en veillant à ne pas creuser de manière trop excessive pour éviter les effondrements toujours mortels. Dans les régions d'Ilakaka des galeries sont ainsi creusées jusqu'à des profondeurs supérieures à 50m.

 Mineurs dans une galerie à une profondeur de 13m
(Remy Canavesio, 2010)



 Aeration artisanale d'une galerie
(Canavesio, 2010)

  • Lavage et triage des gemmes

La phase ultime de ce travail se passe en général en bord de rivière. Il faut donc porter les graviers jusqu'aux cours d'eau -parfois sur des kilomètres- pour pouvoir laver et trier les pierres. Celles-ci sont simplement placées dans un tamis qui est plongé dans l'eau à plusieurs reprises. Les pierres sont ensuites triées unes à unes à l'oeil nu dans le tamis. Toutes les pierres sans valeur -c'est à dire la très grande majorité- sont ensuite laissées dans le fond de la rivière, ce qui n'est pas sans poser des problèmes environementaux (billet à venir). Pour en savoir plus, lire les articles de Rémy Canavésio disponibles sur ce lien : http://remy-canavesio.blogspot.com/ et notamment la thèse de géographie consacrée à cette région disponible ici :http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00636786


Ambiance de tamisage en mai 2006
(Canavesio, 2010)


Moment de vérité pour Venant
(Canavesio, 2005)



 






Des paysages bouleversés

L'effet le plus spectaculaire du développement de l'activité minière dans la région d'Ilakaka tient probablement à l'incroyable bouleversement des paysages dans cette région qui est longetmps restée en marge des processus de développement. En quelques mois seulement, ces changements ont à la fois touché les milieux naturels et leurs écosystèmes parfois fragiles (forêts sêches, ripisylves) et l'habitat régional jusque là dispersé et caractérisé par des faibles densités de peuplement;

  • De l'agropastoralisme semi-nomade à l'économie minière

 Jusqu'au mois de septembre 1998, la région d'Ilakaka était marquée par l'élevage semi-nomade du zébu. Cette pratique ancrée dans la tradition de "l'ethnie" bara était encore relativement bien préservée, permettant une mise en valeur des différents écosystèmes régionaux (voir les travaux de Armelle De Saint Sauveur). Les vastes prairies servaient de pâturages aux animaux pendant la saison humide, les forêts sêches apportaient une alternative fourragère en saison sèche et les bas-fonds humides permettaient de développer un complément alimentaire avec la production de riz en petite quantité.
A partir d'octobre 1998 la situation changea radicalement. L'arrivée de plus de 100 000 migrants venus exploiter les gisements de saphirs de la région transforma le système de production local en profondeur. Les mines à ciel ouvert et les puits ouvrant sur des galeries souterraines criblèrent rapidement la région d'autant de pièges pour les zébus. Le paysage se transforma en consequence...

Paysage de savane de la région d'Ilakaka-Sakaraha
(Remy Canavesio)


Carrière "Banque Mondiale" 
(Remy Canavesio, 2007)


  • Du village traditionnel à l'agglomération moderne

Alors que les migrants arrivèrent par dizaines de milliers en seulement quelques mois, on assista à une véritable explosion démographique dans les villages pré-existants comme celui d'Andohan-Ilakaka (photos ci-dessous) et à l'apparition de nouveaux villages dans toute la région. Sur la RN7 -seule route goudronnée de la région- , les petits villages bara d'Andohan-Ilakaka et de Manombo-Be sont ceux qui ont connu les changement les plus spectaculaires avec l'installation de collecteurs de pierres étrangers.
Dans ces deux petits bourgs traditionnels qui étaient peuplés de quelques dizaines d'habitants seulement avant la ruée, l'arrivée des migrants et le commerce lucratif des pierres précieuses s'accompagnèrent de nouvelles activités. Electricité, télévision par satellite, téléphone portable et même Internet arrivèrent dans ces villages devenus agglomérations en moins d'une décennie. Bien qu'étant informelle et artisanale, l'activité minière a donc été à l'origine d'une spectaculaire modernisation de la région.Pour en savoir plus, lire les articles de Rémy Canavésio disponibles sur ce lien : http://remy-canavesio.blogspot.com/ et notamment la thèse de géographie consacrée à cette région disponible ici :http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00636786



Evolution de la ville d'Andohan-Ilakaka
entre 1998 et 2008